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"Il saute du lit de bon matin [...]. Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret. Puis il rentre au bois. [...] Dehors, il fixe un moment, au point que son œil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle. Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s'endormir, il se plaît à compter ses images. Dociles, elles renaissent au gré du souvenir." Le chasseur d'images, Histoires Naturelles de Jules Renard

19 Dec

Forêt de Verrières-le-Buisson

Publié par DCD

Avant le lever du soleil, je m’enfonce dans les sous-bois sombres et déserts. Je me cale dans mon affût et j’admire le spectacle.

Les arbres restent dans l’ombre mais dans le ciel bleu la buse embrasée par les premiers rayons tournoie un temps au-dessus de la clairière puis s’éloigne. Peu à peu, la lumière descend des cimes le long des troncs et éclaire bientôt le parterre de feuilles. Le rideau s’est levé, le spectacle a déjà commencé. Aucun passereau n’apparait mais le cri des mésanges retentit derrière moi plus haut dans mes arbres. Vont-elles repérer mes offrandes de graines ?

Soudain, sur ma droite, un animal saute à terre. Je n’ai vu que son mouvement. Un animal brun. Trop gros et trop brun pour un écureuil. Et pour une hermine. Une fouine ? Je ne quitte plus des yeux le pied de l’arbre où a disparu l’animal. Quelques minutes passent et un gros oiseau s’envole derrière un tronc. Serait-ce une corneille ? Mais j’ai bien vu du brun et une tache blanche. J’attends jusqu'au dénouement.

C'est la buse.

Elle vient se poser juste devant mon affût en pleine lumière entre deux troncs. Magnifique. Elle ne m’a pas repéré, je ne l’ai pas vue approcher. Nous sommes quittes.

Forêt de Verrières-le-Buisson

A droite, à gauche, elle scrute le sol, se pose à terre, remonte à une branche. C’est beau !

Puis elle s’en va plus loin quand cinq geais braillards et bretteurs s’approchent aux sommets. Trois merles noirs se poursuivent de leur côté dans les lierres encore verts.

Forêt de Verrières-le-Buisson

Un troglodyte passe devant l’affût et se pose dans les feuilles mortes. Il passe la tête à travers les mailles d’un arbuste puis disparait pour réapparaître une touffe plus loin. Trop vif pour une photo. Un autre congénère le prend en chasse. Le maître des lieux ?

En tout cas, fier de sa victoire, il prend la pose sur le perchoir au-dessus de ma mangeoire naturelle. Comme s’il attendait que je le prisse en photo. Ce que je fais tout heureux.

Ce matin, j’ai donc photographié le plus grand et le plus petit des oiseaux de la forêt, qui arborent en outre la même livrée brun-roux. Etrange rapprochement. Belle histoire naturelle.

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"Il saute du lit de bon matin [...]. Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret. Puis il rentre au bois. [...] Dehors, il fixe un moment, au point que son œil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle. Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s'endormir, il se plaît à compter ses images. Dociles, elles renaissent au gré du souvenir." Le chasseur d'images, Histoires Naturelles de Jules Renard